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MERA : VOSSEM –TERVUREN      30 septembre 2012

 
  Ronny *, s’est notamment spécialisé dans l’étude de ce patrimoine.
vossem
Eglise de Vossem

Tout d’abord, il nous a fait découvrir une sympathique petite chapelle érigée vers 1819 par le curé de l’époque. La statue actuelle est une Vierge de Lourdes mais la chapelle est dédiée également  à …Saint Hubert…dont l’effigie volée et retrouvée…est actuellement placée au musée Hof ter Melijn de Tervuren (photo)…

Saint-Hubert

Et voici déjà une première interrogation : pourquoi  Saint Hubert , si célèbre dans cette région – il serait mort à Tervuren le 30 mai 727 selon certaines sources – est-il ainsi honoré sur la « Place du Curé » ?
Pour connaitre la réponse, passez la souris sur « miracle* »

Après l’anecdotique miracle * de la guérison du curé de la Pastoorplein, nous gagnons un petit sentier aux bords du ruisseau de la Voer pour atteindre l’église du village par l’arrière ; ce qui nous permet d’admirer directement sa très belle structure de roman mosan*.

  • Une des principales caractéristiques  qui, selon  les historiens d’art « classiques »,  différencie le roman mosan du roman scaldien est la place de la tour. En construction de type mosan, la tour se situe en extrémité ouest de la nef tandis que dans les édifices de l’Escaut,  la tour se situe au croisement de la nef et du transept. Actuellement, on remet fort en question la séparation « mosan-scaldien » puisqu’on trouve des églises de type mosan en Flandres(comme ici) et de type* scaldien en Wallonie…
  • En ce début du 19ième siècle, la rage sévit à Vossem et provoque bien des décès dans toute la région…même le curé tombe malade…Se sentant à toutes extrémités, il accepte que ses deux acolytes et un brave fermier le placent dans une carriole et le transportent dans ces inconfortables conditions jusqu’en Ardennes au sanctuaire de pèlerinage  de… Saint-Hubert. Comment notre curé allait-il survivre à ce pénible périple, nul ne pouvait le dire mais sa foi en saint Hubert fut si grande qu’il put en revenir…guéri ! Il fit dès lors ériger une petite chapelle votive sur la place où se trouvait son (nouveau) presbytère.
  • Le style architectural  dépendait du maître d’œuvre mais surtout  du diocèse et /ou de l’abbaye auxquels était rattachée l’église en construction.

 

  • Ce compte-rendu est basé sur des connaissances qu’il a tirées non seulement des nombreux  ouvrages et articles portant sur la région mais aussi sur les archives de Tervuren où il a passé de longues et fructueuses heures…Nous tenons tous à  le remercier de partager ses documents et son expérience de « guide historique » de Tervuren.
Eglise Vossem

Le premier acte officiel  citant Vossem paraît en 1129 . .. Ce sont les très complètes  Archives de l’Abbaye du Parc (à Heverlee) , tenues par les Chanoines Norbertins,  qui nous donnent de précieux renseignements sur ces lointaines périodes pour lesquelles nous ne possédons que peu de documents fiables.
Mais quel est le rapport entre l’abbaye et…les ducs de Brabant …et Vossem?
En 1129, des chanoines  venus  du hameau de Prémontré, près de Laon, qui ont adopté  la jeune *Règle de Norbert * de Xanten ( 12ième s.) s’installent  à Heverlee sur des terres données par Godefroid-le-Barbu (1095-1140), premier duc de Brabant. C’est la naissance de l’abbaye du Parc ; ils seront dès lors appelés « Norbertins » ou « Prémontrés ».

 

En cette même  année 1129, un certain « Reinier de Vossem » désire rejoindre la nouvelle communauté des Norbertins. Il fait don de son très vaste et riche domaine ( plus de 600 ha et 5 grandes fermes) à « son » abbaye.
En 1154, l’abbaye reçoit des mains de l’empereur Frédéric Barberousse un important «  privilège de tutelle » ; il déclare prendre l’abbaye sous sa protection et nomme , comme tuteur « éternel »( !) , le duc de Brabant.
Ainsi Vossem  - possession de l’abbaye – sera régi à la fois par l’abbé et par le duc de Brabant.
Peu à peu, la construction d’une église, qui devient paroissiale, s’avère importante pour une petite population de plus en plus prospère. Les nombreux moulins établis sur la Voer* constituent  une richesse appréciable

Vossem - plan
  • C’est en 1120 (1121 ?) que le chanoine Norbert, voulant réformer les mœurs dissolues de sa congrégation, rédige une nouvelle Règle dans un esprit de pénitence et d’austérité. Il va s’établir au hameau de Prémontré, près de Laon.  Un groupe de « ses » chanoines ira, en 1129, créer une « Maison » à Heverlee.
  • contrairement aux 2 autres ruisseaux, affluents de la Dijle, l’Yse et la Wolu, le débit de la Voer est très puissant et rapide car son dénivelé est en moyenne de 5 m par km. La Voer prend sa source dans le bois des Capucins de Tervuren est se jette dans la Dijle à Louvain. Elle se prêtait donc facilement à l’exploitation par moulins à eau.

Il est très probable qu’une petite chapelle préexistait le long de la rivière  mais nous n’en avons pas trace.
Dès que l’abbaye eut  reçu le domaine de Reinier, le projet d’église prit corps ; elle verra le jour dans la fin du 12ième siècle.
L’église Saint Paul se présente alors  comme un grand rectangle pourvu en Ouest d’une tour aveugle.
Douze piliers de forme carrée supportent un toit dont on ignore la forme initiale mais dont on sait qu’il était moins élevé qu’actuellement.
Dans les murs ne sont percées que de petites fenêtres en plein-cintre dont on peut encore deviner les emplacements et dont certaines subsistent.
Une porte se situe dans chacun des murs latéraux ; l’une a été bouchée par la suite mais on peut encore en voir distinctement la trace dans le mur extérieur.
Un chœur plat ferme la nef en Est. (le plan)
C’est au 13ième siècle que sera ajouté le chœur semi-circulaire décoré de très belles fresques* qui ont, elles aussi, leur histoire.

  • Redécouvertes, sous leur badigeon blanc, en 1971, elles attendront jusqu’en 1992 pour être restaurées ; elles comprennent 2 périodes. On peut (difficilement) distinguer un calvaire en rouge et vert, une croix (de consécration de l’église )et un motif en zigzag. Dans une 2ième phase, une crucifixion gothique a recouvert les fresques (al secco*) romanes.
 
  • Les fresques sont peintes sur un enduit humide ; pour une autre technique (secco), l’enduit est sec au moment des peintures qui semblent avoir mieux résisté au temps.

A droite de l’autel, on découvre des piscines géminées *, lavabo double permettant l’écoulement dans les fondations de l’eau bénite ayant servi à laver le calice et les doigts du prêtre.

  • de l’un des orifices l’eau bénite  s’écoulait sous le chœur, en « terre consacrée » ; tandis que l’autre évacuait les eaux usées à l’extérieur.
 

Une étonnante porte abondamment cloutée donne accès à la sacristie…Cette armature était-elle protection contre les haches de voleurs ? ou contre le feu ?
L’église subira de très importants remaniements au 17ième sous l’impulsion du curé Maximilien Snel qui la modifiera de 1687 à 1721. Fils d’une très riche famille, il veut mettre « son » église  au goût du jour – baroque – et suivre les directives du Concile de Trente.  Celui-ci  prévoit  d’ouvrir le bâtiment à la lumière et de couvrir d’un enduit blanc et sobre tous les murs décorés…Notre curé Snel passe à l’action en 3 phases, élimine des piliers( !), rehausse le toit et la tour, condamne certaines ouvertures, ouvre de grandes fenêtres …L’entrée se fait désormais dans la tour… par un large porche dont la remarquable porte présente encore aujourd’hui  un blason d’ Heverlee  et le millésime 1699 (photo)

Blason-Vossem
 

Afin que nous puissions plus facilement visualiser ces modifications de la structure du bâtiment, Ronny présente une maquette  réservée pour nous ce jour-là. (photos)

maquette 1
 

Nous sortons à présent de l’église.
Dans le mur extérieur proche du chœur, nous apercevons une curieuse petite niche… actuellement occupée par une statue de Marie. A quoi servait-elle autrefois ?*

 
maquette-2
  • Avant que l’électricité n’éclaire villes et villages, c’était une bougie qui y était allumée de grand matin. Dans l’obscurité  des temps d’hiver, elle guidait les paroissiens se rendant à la messe quotidienne.  De l’autre côté, les lumières de la sacristie remplissaient cet office.

Il faut dire qu’à cette époque Vossem est riche, peuplée de fermiers prospères…dont on connaît encore actuellement certaines demeures.

Ter Munck
Ter Munck
La ferme

Notre groupe suit très attentivement les explications de Ronny, son guide éclairé, avant de quitter l’église pour une romantique  petite promenade. (photo de groupe)
A travers champs, bosquets et rives de la Voer,  nous apercevons  à un certain moment, un ancien moulin à eau, qui releva longtemps des Norbertins de l’Abbaye du Parc. Converti, en 1924 en café-restaurant, appelé « Cramique », il a été aménagé plus tard en une maison de plaisance (propriété privée) et n’a gardé que sa roue hydraulique et un blason de 1755 de l’abbé Slootmans.
Nous poursuivons la promenade  jusqu’au  chemin romain (« Waalse baan », reliant Wavre à Malines) qui longe le mur du domaine de Tervuren, mur construit sous Albert et Isabelle…que de souvenirs historiques…nous sommes passés de la Gaule romaine aux Archiducs du 17ième siècle tout en admirant au passage les ruines d’un romantique portail enfoui dans une exubérante nature : restes de la ferme « Ter Munck »* (photo)

Ter Munck tableau
Ter Munck
  • Première ferme construite par les Norbertins au 12ième siècle. C’est à la ferme « Ter Munck » que fut signé le « Traité de Vossem » entre Louis XIV et Frédéric de Brandebourg, souverain de Prusse. Louis XIV y a séjourné 4 jours.

Nous rejoignons à présent  Tervuren afin de nous y désaltérer et de poursuive cette passionnante après-midi dans l’église Saint Jean…

Ronny

Ronny reprend  ses explications en nous permettant d’admirer non seulement un majestueux édifice de gothique brabançon , ses trésors  mais aussi les modifications intérieures dues au curé Davidts (20ième s.) sans oublier les sculptures de M. Boegen, le papa de Cécile et Mireille.
L’église Saint Jean l’Evangéliste fut construite vers 1200 par les premiers ducs de Brabant en même temps que leur château dont nous pouvons trouver les traces près de la petite chapelle Saint-Hubert (fouilles des années 80) en bordure des premiers étangs de Tervuren. Il s’agissait donc de l’église castrale, si imposante qu’elle rivalisait avec l’église paroissiale de Saint-Jean Baptiste, aujourd’hui complètement disparue. Sa construction commencée au 13ième siècle va se poursuivre durant 200 ans : le chœur et le transept datant du 15ième siècle. Tout en gardant sa structure initiale, elle sera, bien sûr, modifiée au 17ième siècle par les Archiducs Albert et Isabelle ainsi qu’au 18ième par Charles de Lorraine dont le blason domine toujours le maître-autel de style Renaissance. Charles de Lorraine et son château (en grande partie détruit sur ordre de Joseph II) ont profondément marqué l’histoire de Tervuren mais ceci pourrait faire l’objet d’une autre étude !

 

Le « jubé »* qui est ajouté près du porche est un très bel ouvrage composite : il a, lui aussi, une curieuse histoire. (photo)

 
jube

Ses très belles sculptures en pierre du 16ième siècle  nous rappellent les œuvres des Frères Keldermans et de leur Ecole (Grand Place de Bruxelles) ; elles leur sont d’ailleurs attribuées et représentent des scènes de la vie de Jésus que nous explique patiemment notre guide.
Il passe ensuite au sobre monument funéraire d’Antoine de Bourgogne* ,  superbe pierre tombale de marbre noir qui marque l’entrée du chœur, nous en raconte l’histoire grâce au texte gravé * par ordre des Archiducs…et nous voilà à nouveau faisant rappel de nos connaissances historiques…

 
  • L’ancien jubé de 1517 séparait autrefois la nef du chœur. Il fut démantelé en 1739 par le curé Humblé qui le considérait comme une « horrible barricade ». En 1948, le curé J.E. Davidts retrouvant les divers éléments de sculpture, voulut restituer et restaurer  le jubé mais dans la place qu’il occupe actuellement.

Dans une inébranlable volonté de mise en valeur de « son » église, il procéda à des remaniements (décriés par certains) parfois inattendus…La chronique raconte que, lors de la reconstitution du jubé, manquant de pierres de France, il a parcouru les chantiers de démolition des bâtiments jouxtant la jonction nord-midi et y a récupéré les éléments manquants… et tout ce qui pouvait lui servir à embellir l’église! L’origine des deux étranges confessionnaux en pierre présentant d’ inhabituelles sculptures d’animaux (singe, cochon etc. !!!)reste un mystère…sont-ils aussi des acquisitions de notre étonnant curé ?...De toutes façons, ses dynamiques activités l’ont maintenu en bonne forme puisqu’il est mort à l’âge respectable de 100 ans…

  • Antoine de Bourgogne (1384-1415), fils de Philippe le Hardi, frère de Jean sans Peur , acquiert le duché de Brabant et de Limbourg ; il prend donc possession de Tervuren et y réside ; l’administration se trouve donc à Tervuren qui supplante Bruxelles.  Antoine de Bourgogne meurt à la célèbre bataille d’ Azincourt (1415) Une pierre tombale  est placée sur ordre d’Albert et Isabelle dans le chœur de l’église en souvenir de leur lointain ancêtre.
  • Ronny nous propose une (libre) traduction du texte latin de Eryceus Puteanus (disciple du célèbre Justus Lipsius)

                              D(eo) O(optimo)  M(aximo)
Au très bon et grand Dieu,
Antoine, Jean, Philippe,
Ducs de Lorraine, Brabant et Limbourg,
Le premier, le père, les autres, les fils, partagent avec Jeanne de Saint  Pol cette tombe, qui, pour beaucoup semble humble, mais n’en est pas moins illustre.
Antoine,
Le combattant équitable et énergique,
Tombé dans la bataille d’Azincourt, le 25 octobre 1415.
Pendant 3 jours, son corps est resté sous les cadavres de ses ennemis ; puis, après cette mort honorable, a été déposé dans cette tombe afin de l’honorer d’une manière plus illustre.
Jeanne,                 Décédée avant son mari le 12 août 1407.
Jean,                       L’ aîné des 2 fils, exerçant la vertu et admirateur des sciences, est devenu duc à l’âge de 13 ans. A 16 ans il se maria, mais ce mariage fut bientôt un échec. Lorsqu’il eut 22 ans, il fonda  l’université de Louvain ; il mourut peu après le 17 avril 1426.
Philippe, le cadet,             Après 3 ans de règne, et alors qu’il était sur le point d’épouser la fille de Louis, roi de Sicile, abattu par le sort, il mourut le 4 août 1430.
Ainsi le père, la mère et les fils honorent le village qu’ils ont tellement aimé lors de leurs vies.
Mais les très honorables Albert et Isabelle-Clara-Eugenia, archiducs d’Autriche, Ducs de Bourgogne et de Brabant, etc…n’ ont pas accepté que la tombe demeure sans inscription et ont voulu que les noms du père, de la mère et des fils soient incisés dans la pierre.
Le 2 novembre 1616.
2 fois ouvert : 1657 et 1866

 

Nous admirons le très beau travail des  bois sculptés par M.Boegen : l’ambon, le porte-cierge pascal, l’expressif petit aigle de la chaire …nous  nous intéressons aux vitraux, statues…et découvrons même un ingénieux instrument capable d’éteindre des bougies gigantesques ! (photo)
Grâce à la gentillesse du président de la Fabrique d’église, nous pouvons prolonger notre visite en grimpant jusqu’au palier des orgues d’où notre regard peut apprécier dans toute son ampleur ce magnifique édifice gothique. (photo)
Et en finale, nous nous sommes, pour la plupart, retrouvés dans une brasserie-pizzeria bien sympathique pour terminer une après-midi très riche dans la découverte d’une bucolique et combien passionnante région …aux rives de la Voer….

 
ambon
aigle
eteignoire
 
Colette DETRYretour
 
coeur gothique