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Activité MERA 18 octobre 2014 et...Saint-Trond et son Béguinage
 

Sous un soleil éclatant , une estivale et exceptionnelle température de plus de 22 ° , nous nous retrouvons au parking du Béguinage de Saint-Trond ...s'y retrouver est bien le terme correct car nous n'avions programmé ni la grande brocante ni l'imposant marché de ce samedi matin...peu importe, la bonne humeur et l'esprit de découvertes insolites nous ont rapidement menés, sous la conduite de Ronny, dans les ruelles de l'ancienne cité jusqu'aux ruines de l'abbatiale Saint-Trudo...( Sint Truiden- Saint Trond ).
Qui donc est ce « Trudo » à l'origine d'une expansion remarquable d'un modeste village, déjà poste romain ( ? aucun « témoin » actuellement pour confirmer ou infirmer la présence romaine) dans les environs de la route Trèves- Cologne , à l'origine surtout d'une des plus puissantes abbayes de l'Empire ?
Trudo, (7ième  s.) fils d'une noble famille franque, se sent appelé à la vocation religieuse, il se rend à Metz où il est instruit et ordonné prêtre...mais son désir est de fonder une grande abbaye dans la région de son enfance...
Il hérite de son père, Wicbolde, un très grand domaine en bordure de la petite rivière Cicindria, dans le bassin de la Nete, il y fonde « son abbaye » vers 657 selon la tradition.
Les invasions successives, principalement les Normands, détruisent ces premiers bâtiments, un incendie les ravage en 1125 mais, à chaque fois, ils s'élèvent plus puissants...
Saint Trudo jouit en effet d'une grande réputation de guérisseur et les pèlerinages se multiplient.Au 11ième s. (quelques vestiges visibles aujourd'hui à l'intérieur de ce qui devait être le « westbouw ») l'abbé Gunthram et surtout son successeur ADELARDUS II construisent une des plus grande abbatiale du monde connu ... C'est ainsi que nous avons pu, dans la cour intérieure des bâtiments du grand collège, admirer les substructions et le plan du chœur et de la nef (102 m de long sur 27 m de large, 18 m de haut) ainsi qu'un haut vestige d'une des tours de l'abbatiale ... un intéressant document permet d'appréhender une partie des remaniements réalisés au cours des siècles...la crypte du 10iième  s. — sous le chœur — fut récemment retrouvée « par hasard » (elle faisait partie des interminables couloirs de catacombes : cimetière des abbés et moines sous les bâtiments de l'abbaye !)
Notre joyeux groupe s'est ensuite un peu dispersé à travers les nombreux étals de la « grand place « (la plus grande de Belgique en superficie, après celle de Sint Niklaas) qui, sous le soleil et dans l'abondance des fruits et légumes hauts en couleurs et en senteurs avait pris un petit air de Provence en été ...
Nous admirons au passage le beffroi et l'église Notre-Dame.
Mais nous voilà de retour au Béguinage : nous avons retraversé l'enceinte primitive de la Cité puisque les Béguinages devaient être construits « hors les murs »... ... et nous avons opté pour un repas « typique » dans la Tradition ...de l'accueillante Brasserie du Béguinage.es petites maisons des premières béguines étaient pour la plupart des maisons en bois et en torchis, les fouilles récentes ont laissé au jour certains vestiges des colombages ...Fin 18ième s. presque tous les bâtiments primitifs avaient fait place à des maisons de pierres, plus solides et moins propices aux
incendies...

 

Sainte Agnès C'est surtout l'église Sainte Agnès qui va retenir notre attention...En 1258, le très puissant abbé de l'abbaye de Saint-Trond , Willem van Rijckel (1249-1272) donne l'autorisation aux béguines de s'installer dans un terrain au nord-est de la ville ; l'ordre de fondation mentionne la construction d'un mur d'enceinte avec portail d'entrée, d'un certain nombre de maisons et d'une église dédiée à Sainte Agnès. De 1265 à 1310 s'élèvent petit à petit des parties de l'église mais l'évolution de cette construction est fort curieuse : elle peut encore se voir facilement dans les pierres des murs à l'extérieur ;



phase 1 les premiers éléments sont le chœur et le mur ouest (façade d'entrée) séparé du chœur par...un grand vide


phase 2 Dans une deuxième phase, une courte nef de 4 travées prolonge le chœur mais...n'atteint pas le premier mur de façade!
Cette courte nef sera finalement prolongée à son tour jusqu'à la façade ouest dans une troisième phase de construction...
phase 3 Mais ce n'est pas fini : la première (courte) nef s'effondre accidentellement (incendie ? attaque ?) au 15ième s, produisant un grand vide au milieu de l'église ! ... elle est reconstruite et devient dès lors la dernière et la plus récente partie du bâti d'ensemble !
Les matériaux utilisés sont très variés : une très intéressante (car très proche !) carrière de quartzite de Tirlemont va permettre d'asseoir les murs sur ces pierres particulièrement solides. La pierre de Gobertange et le calcaire de Meuse seront ensuite utilisés ainsi que des pierres plus tendres pour les éléments taillés et sculptés : le tuffeau de Lincent sera remplacé par le tuffeau de Maastricht après l'épuisement de la carrière de Lincent. A l'intérieur de l'église, on trouve aussi le petit granit et les
« marbres » (de Belgique). Les briques interviennent dans des « restaurations » plus tardives et parfois un peu maladroites ou inesthétiques.
Les phases de construction sont très visibles tant à l'extérieur des murs qu'à l'intérieur (notamment ouverture des fenêtres, joints des murs, base et sommet des différentes colonnes, recouvrement de toiture...) Marc ayant réalisé de très beaux documents à ce sujet, il nous fut facile de comprendre l'évolution complexe de ce bâtiment.
Ce qui impressionne particulièrement en entrant dans l'église, ce sont les extraordinaires fresques qui la décorent...nous percevons immédiatement pourquoi elle est retenue comme Patrimoine mondial et fut restaurée sous l'égide de l'Unesco à partir de 1972...
Mais au tout début du 19ième  s. plus personne ne connaissait l'existence de ces fresques !
Et c'est en effet par hasard qu'un occasionnel « nettoyage » des murs enduits alerta un ouvrier plus attentif (d'autant plus qu'on commençait à cette époque à « découvrir » des fresques « cachées « et à s'y intéresser). Nous sommes en 1860, un artiste liégeois peintre de néo-gothique, Jules HELBIG , (1821-1906) se passionne directement pour la découverte et il entreprend avec les moyens de
l'époque une première mise au jour. Mais, ce sera 70 ans plus tard, en 1934, que la première grande restauration commencera menée par un artiste et archéologue brugeois Camille TULPINCK(1861­1946) ; il commencera par dessiner soigneusement tout ce qui a été trouvé par J. Helbig et tentera de restaurer le plus fidèlement possible les différents personnages en s'aidant des iconographies connues dans le monde de l'art : il est archéologue !
C'est avec l'appui de l'UNESCO que, de 1972 à 1984, Cornelis LEEGENHOEK donnera aux fresques de Sainte Agnès leur splendeur actuelle tout en respectant scrupuleusement l'état initial, sans aucun ajout nouveau.
Les plus anciens témoins se trouvent dans le choeur...
Mais, avec notre petit groupe, il nous faudra bouleverser toute la chronologie : une chorale donnait un concert le soir et répétait bruyamment...nous avons dû insister fortement pour effectuer la visite (qui avait été autorisée !) et nous faire très, très discrets pour découvrir et expliquer ...
!I s'agit d'identifier et de découvrir les chroniques de « saints » personnages, en grande majorité de femmes, selon des représentations allant du 14ième s. aux débuts et fin 16ième s...rappelons que les Béguines en « féministes » combattantes (souvent en opposition avec l'Eglise de Rome et les éminents prélats et penseurs...masculins...) ont privilégié dans « leur » église la représentation de femmes : la Vierge tout d'abord dans différents moments de sa vie, Marie-Madeleine, tant aimée de Jésus, mais aussi des saintes, chanoinesses, abbesses ... Saint François et saint Hubert y sont aussi admis ... et quelques saints plus tardivement représentés sans doute à cause d'une dévotion particulière de la donatrice.
Pour comprendre leurs « attributs », il me faut replonger dans les chroniques religieuses et folkloriques d'époque, dans « La Légende dorée » de Jacques de Voragine (13ième s.), dans les documents de la Principauté de Liège ... (dont l'intéressant ouvrage de Philippe George : (Reliques et arts précieux en pays mosan)
Pourquoi la Principauté de Liège à Saint-Trond?
Dès sa fondation par Saint Trudo vers 657, le pouvoir politico-religieux à Saint-Trond est destiné à être partagé entre abbaye et...évêché de Metz, entre le très puissant abbé de la très puissante (!) abbaye bénédictine (ruines de l'abbatiale visibles dans la ville) et l'évêque de Metz (où Trudo, le fondateur, avait été ordonné).
En 1227, un échange se fait entre Metz et le Prince-Evêque de Liège ; dès lors, à partir du début 13ième s, la vie politique et religieuse de Saint-Trond est liée à Liège et l'art « mosan » y prend une part remarquable.
Mais l'abbé de Saint-Trudo garde ses prérogatives et affirme souvent son pouvoir : c'est ainsi qu'il accepte l'installation d'un béguinage malgré les fortes réticences de l'Eglise séculière.
Les « béguines », ces femmes indépendantes, réputées parfois « révolutionnaires » osent « se passer » des hommes, échappent à leur pouvoir de pères et de maris et parviennent à vivre de leurs activités tout en menant une vie de dévotion, de chasteté et d'entraide. Elles ne prononcent pas de vœux (comme les religieuses de monastère), elles sont libres de quitter le béguinage mais il semble que très peu le feront ! Comme on s'en méfie, les bâtiments du béguinage sont construits « hors enceinte » de la cité...ils sont très rapidement entourés de murs protecteurs , l'accès en est strictement surveillé et tout homme (y compris le prêtre de leurs offices) doit quitter le béguinage à 19 h en hiver et 21 h en été
cloche une cloche bizarrement attachée au clocher de l'église sonne chaque jour à cet effet... tourelle on peut encore voir son agencement : tourelle-escalier et balcon dans l'église actuelle

 

Pour la facilité, je reprends ici les fresques dans l'ordre chronologique...
Les fresques les plus anciennes (fin 13ième  s. tout début 14ième  s.) se trouvent dans le chœur, derrière l'autel...

 

croix Il s'agit de croix de consécration posées en deux phases successives (1265 ou 1310 et ???) de deux couleurs : noire et rouge ( sans que l'on puisse déterminer la couleur qui précéda l'autre ni pour quelle raison il existe ces couleurs distinctes) ; l'une d'elles comprend 9 petits blasons dont on ignore la signification.

 

 

Les trois personnages (proches des fenêtres) étaient quasi effacés lors de leur découverte (exposition à la lumière)...tellement peu « visibles » qu'il fallut, pour la première restauration, se baser sur l'iconographie connue (enluminures, autres fresques, statues...). On les identifia comme saint Pierre (et sa clé : il détient les « clés du Royaume »), saint Paul (et l'épée de sa décapitation) et saint Jean ( avec une « coupe » : une légende voulait qu'on présentât un jour à Saint Jean une coupe de poison violent, qu'il la bénît et fût sorti indemne). A l'origine, ce ne pouvait être saint Paul — qui n'est pas un des apôtres - mais Jacques le Majeur car il s'agirait des apôtres présents à la Transfiguration sur le Mont Tabor en Galilée.
Les figures (début 14ième s.) du l'arc triomphal du chœur sont à peine perceptibles ...comme un élément du pied d'un gigantesque Saint Christophe (avec esquisse d'un poisson) et un couronnement de Marie tout aussi difficile à deviner... Saint Christophe était très souvent présent dans l'iconographie des églises car il protégeait d'une mort soudaine sans apport de l'extrême onction.
La seule qui ait échappé aux atteintes du temps et de l'exposition aux lumières est ... Marie-Madeleine portant sur son cœur l'image « vraie » (la « vera icône ») de Jésus. Elle fut protégée durant des siècles par l'autel baroque (actuellement glissé sur le mur de côté) elle a donc gardé ses couleurs et a pu être identifiée ...non sans mal car les premiers « découvreurs » voyaient en elle sainte Véronique portant le drap avec empreinte du visage sanglant de Jésus lors de sa Passion...
Actuellement, après de multiples polémiques et le recours à des représentations analogues ...en plus de la vive dévotion des Béguines spécialement pour elle, on peut affirmer qu'il s'agit bien de Marie­Madeleine...d'ailleurs, le visage de la « vera icône » est « glorieux » et rayonnant : ce n'est pas l'image du « crucifié »...sur le chemin du Golgotha.
Marie-Madeleine est présentée comme une femme de haute condition sociale (riches vêtements ornés de fourrure de vair, la tête couverte d'un précieux voile) . On la retrouve encore dans une autre présentation (plus tardive) sur une des piles de la nef parmi 8 femmes , saintes populaires très vénérées.
Dans la nef, nous trouvons un ensemble de 7 fresques qui présentent la vie de Marie (selon les Apocryphes et la « Légende dorée »- environs 1260) :
La « présentation » au Temple de la petite Marie soutenue par un ange ; elle gravit les marches alors que ses parents, sainte Anne et Joachim,(riches bourgeois du 14ième s. !) se tiennent à l'avant-plan.
On peut remarquer l'anachronisme des parents et de l'évêque qui attend Marie en haut de l'escalier...

l'Annonciation, l'ange Gabriel porte un long sceptre entouré d'un phylactère : « Ave Maria (gratia)plena(dominus)tecum »....
le mariage de Joseph et Marie, on remarque, au bas de cette figuration, la présence de 2 donateurs : un homme (rarissime !) à gauche et une béguine à droite accompagnés chacun d'un enfant ... peut-être une veuve, devenue béguine, qui voulut associer son défunt mari et leurs enfants à ses prières ?
la « Visitation » à sa cousine Elisabeth qui la reçoit à l'entrée de sa maison dans un paysage verdoyant,
la Nativité : l'enfant Jésus déposé sur un pan du manteau de Marie est minuscule (!) à ses
côtés ; une béguine agenouillée le prie ; dans le ciel une guirlande d'anges annoncent la naissance à des bergers tandis qu'un agriculteur continue à labourer
mort de Marie la mort de Marie entourée des apôtres et son « assomption» assomption
Dans cette figuration, Marie est présentée 2 fois : sur son lit « terrestre » où elle paraît comme « transparente » et ... dans le coin supérieur gauche entraînée vers le ciel mais... un pan de son manteau est retenu par ...l'apôtre Thomas ! La légende voulait que Thomas, arrivé trop tard une fois de plus, n'ait pas voulu croire les autres lui affirmant « l'assomption » c.à.d. Marie montée au ciel  AVEC  son corps ...Thomas s'accroche donc à son manteau pour en avoir la preuve !...il y a des réputations qui vous poursuivent !
Le couronnement de Marie : le Père et le Fils tiennent tous deux la couronne tandis que l'Esprit — la Colombe — vole au-dessus du trône. Il s'agit d'une représentation « classique » que l'on trouve dès le 13ième siècle 
  • Ces 2 dernières scènes semblent plus tardives.

Tous les « tableaux » de la vie de Marie nous donnent de précieux renseignements sur le mode de vie, les vêtements, les coutumes...des époques concernées.
Les « places d'honneur » pour les figurations de saintes se trouvent dans la nef : elles sont 8 : Ursule de Cologne, Odile de Huy, Gudule de Bruxelles, Elisabeth de Hongrie, Dimpna de Geel, Agathe de Sicile, Marie-Madeleine, Gertrude de Nivelles,
Dans le bas-côté nord se trouvent aussi Lucie de Syracuse et Cecilia de Rome.
Chacune porte des « attributs » qui permettent aux initiés de la reconnaître.

Sainte Ursule de Cologne :
Légendaire fille d'un roi breton, partie avec 11.000 vierges en pèlerinage à Rome. Lors de leur retour en abordant à Cologne, elles sont toutes tuées, transpercées de flèches, par les Huns. Son culte de « protectrice », centré à Cologne, se retrouve dans cette représentation : son vaste manteau accueille à sa droite de nombreux hommes dont un pape, des rois, des religieux ... et à sa gauche de vénérables femmes. Elle tient dans chaque main les flèches de son martyre et de celui de ses compagnes...
Actuellement, on pense qu'au début de ce culte (basé sur une légende) il n'y avait que « 11 M » ... soit 11 « Mägde »(= jeunes-filles ou vierges en allemand) mais , comme les reliques faisaient fureur à l'époque , ce fut une source gigantesque de « cranes » et autres fragments des 11.000 vierges...d'ailleurs, l'abbé Willem van Rijckel, en 1270, reçut pour son abbaye de Saint-Trond pas moins que 31 cranes des vierges...et ceci grâce à l'influence d'une béguine, une certaine Ermentrude. Lors de son voyage à Cologne, il en ramena encore 23 et plusieurs autres lui furent offerts...on comprend dès lors pourquoi les 11 jeunes-filles sont devenues 11.000 !
Sainte Odile de Huy :
Son culte est « local », il est peu répandu hors du couvent des « croisés de Huy » qui reçurent ses reliques en 1287.
Odile était une compagne noble d'Ursule (elle porte couronne comme Ursule) martyrisée elle-aussi à Cologne ; ses attributs sont fort similaires : elle protège dans son manteau une foule de croyants mais ici hommes et femmes sont mélangés ; elle porte une bannière-étendard avec croix (cf. les « croisés ?) et la palme du martyre.
On pourrait se demander s'il ne s'agit pas d'une sainte Ursule « récupérée » localement sous le nom d'Odile ?
Sainte Gudule de Bruxelles :
Certains ont identifié cette sainte comme étant Geneviève de Paris. Actuellement, on y reconnaît plutôt Gudule, personnage réel transformé par son culte. Le petit diable qui éteint la bougie (salvatrice des égarés dans les marais de Bruxelles au 7ième s. !) est muni d'un soufflet tandis que le petit ange, de son cierge, ranime la flamme. Est remarquable( !) la différence des ailes de l'un et l'autre ! Gudule porte un livre, signe de sa piété et de son instruction . Cinq béguines- donatrices — occupent le coin inférieur droit. Historiquement ( ?), Gudule est née au milieu du 7ième s., de famille noble ; elle est une filleule de sainte Gertrude de Nivelles. Sa mère, sainte Almaberge appartient à la famille des Pépin ( dont Charlemagne !)
Gudule aurait vécu en partie à Nivelles pour revenir mourir chez elle en 712. En 1047, ses reliques sont acquises par le Chapitre de Saint Michel à Bruxelles et son culte protecteur s'étend dès lors.
Au 12ième  s. son crane est offert à la grande mystique allemande, Hildegarde von Bingen, et est toujours conservé en l'église paroissiale de Eibingen (Rudesheim, le long du Rhin)
Sainte Gudule
Sainte Elisabeth de Hongrie ou de Thuringe
Née en 1207 à Bratislava, fille du roi Andreas Il de Hongrie.
Wartburg à Eisenach. Veuve, elle se retire à Marburg et adhère au Tiers-Ordre de Saint François. Elle fonde un hôpital, elle soigne elle-même les malades et est reconnue pour sa bonté et sa charité. Elle y meurt en En 1221, elle épouse Louis, landgraaf de Thuringen et lui donne 3 enfants. Elle vit dans la forteresse de 1231 à l'âge de 24 ans.
Sa bonté était telle qu'elle est vénérée pour intercéder auprès de Dieu de façon privilégiée.
Sur cette représentation, elle porte un plateau contenant 2 poissons ; normalement, il s'agissait de 2 pains mais ...ces petits pains ronds s'apparentaient trop à ...2 seins (comme on en verra ailleurs !) et l'Eglise séculière était devenue particulièrement prude et misogyne...les Béguines ont  donc  opté ici pour 2 poissons...ce qu'elles ne  feront  pas dans  toutes les fresques puisqu'on verra même la Vierge, mère nourricière de Jésus, seins nus ...mais sur une pile des bas-côtés L.. et Sainte Agathe dont il eût été difficile de couper des seins tout habillés !
St. Elisabeth de Hongrie
Sainte Dimphna de Geel :
Fille  d'un roi  irlandais (7ième s.), doit fuir  son île après la mort de sa mère : son père, pris de passion pour elle, veut « l'épouser » !
Aidée par son précepteur Gerebernus, prêtre chrétien, Dimphna vient se réfugier à Geel. Malheureusement  le bourreau de son père la retrouve et la décapite. Elle est représentée avec l'épée de son martyre et un livre, signe de sa piété. Elle tient également une chaîne au bout de laquelle se tortille un petit « damné », son père...le péché d'inceste est visiblement proscrit !
St Dimphna de Geel détail
Sainte Agathe de Sicile :
Très visible, dès l'entrée dans l'église, Agathe montre clairement une résistance de femme aux bourreaux masculins qui la martyrisent plus particulièrement dans sa féminité...peut-on y voir un sous-entendu adressé au Clergé misogyne de l'époque  (dont certains « mystiques » comme Jan van Ruysbroek !) ?
Morte en 251, sous la préfecture du romain Quintianus, elle est très rapidement objet d'un culte important en Sicile. Son histoire est édifiante :
Agathe est la plus belle femme de Catania, village au pied de l'Etna. Le préfet de l'île, Quintianus, débauché notoire, entend bien la posséder mais...ni cadeaux, ni menaces ne font céder la pieuse Agathe...
Pour l'humilier et l'enlaidir, l'ordre est donné à ses bourreaux, après de multiples supplices, de lui couper  les deux seins (un des seins se trouve à ses pieds)...à plusieurs reprises, un ange serait venu les remettre en place durant la nuit ...Excédé de son obstination, Quintianus donne l'ordre de la placer sur un gril bardé de crochets acérés , scène que l'on voit dans le coin supérieur droit de la fresque. Mais, en mourant, son martyre déchaîne la colère de Dieu et l'Etna entre en éruption ...c'est la panique : le village est menacé ... on ramasse alors le vêtement d'Agathe ( visible sous l'arbre) et on le jette devant la lave qui s'arrête par miracle et épargne Catania.
Encore actuellement, dans le folklore religieux de Sicile, une procession fait la route de paroisse en paroisse, là où sont conservées diverses reliques de sainte Agathe.

St Agathe de Sicile
Marie-Madeleine, amante de Jésus
Présentée ici comme une femme de qualité dont la richesse du vêtement rappelle la condition sociale.
Elle tient un vase de parfums d'embaumements puisqu'elle fut la première à se rendre au tombeau et la première à qui Jésus Ressuscité se manifeste ... AVANT les apôtres cachés par peur au Cénacle...Marie-Madeleine est donc à juste titre fort vénérée des Béguines...encore une marque de leur résistance à l'Eglise « misogyne » ?
Sainte Gertrude de Nivelles
(626-659) Fille de Pépin de Landen, Gertrude refuse un mariage princier pour se consacrer à Dieu. Sa mère, ltta, avait fondé l'abbaye de Nivelles, Gertrude en deviendra la deuxième abbesse. Ici, elle porte la crosse de son rang. Il est à remarquer que la volute, au sommet de la crosse, des abbés/abbesses (clergé régulier) est présentée tournée vers l'intérieur car leur pouvoir « politique » ne s'applique que dans l'intérieur de leur abbaye tandis que la volute de la crosse des évêques (clergé séculier) est tournée vers l'extérieur. Le vêtement de sa fonction est très correctement détaillé, elle tient un livre ouvert, signe de sciences, de sagesse et de piété. On remarque que toutes les saintes « retenues » par les Béguines sont souvent de noble naissance mais surtout intellectuelles et femmes volontaires, femmes de pouvoir !
Sur le manteau de Gertrude et sur sa crosse grimpent des souris (ou de rats ?) ...malgré nos recherches, je ne connais pas la chronique relative à cela ; on sait que Sainte Gertrude était priée contre l'invasion de ces animaux très nuisibles pour les réserves de vivres au moyen-âge (les chats étaient fort recherchés et le vol d'un chat gravement puni). Elle est aussi la patronne des voyageurs et la protectrice des hôpitaux.
Dans le coin inférieur, on trouve étonnement... un donateur masculin !
Sainte Lucie de Syracuse
L’épée du supplice , curieusement, traverse son cou  à l’horizontale…c’est l’empereur Dioclétien qui, en 304, l’aurait condamnée en raison de sa foi chrétienne. Son culte de « vierge et martyre » s’est rapidement étendu de la Sicile à l’Italie entière, la France et même les pays rhénans.
Sainte Cécile de Rome
Patronne des musiciens depuis le 15ième s., Cécile a subi le martyr à Rome fin du 2ième s. L’orgue portatif qu’elle tient contre elle a remplacé un instrument de torture (sorte de grand peigne de fers) lors d’une des restaurations…c’est une interprétation qui se base sur des écrits mystiques relatifs à Cécile. Noble romaine, elle disait entendre la musique dans son cœur résonnant « pour son seul Seigneur ». Ayant converti son époux Valerianus , elle le persuada d’opter dès lors pour un « mariage blanc » pour préserver sa pureté uniquement destinée à son Dieu…Son culte s’est étendu jusqu’à la mer Baltique.
Toujours dans cette partie de l’édifice (bas-côté Nord) se trouvent (enfin !) deux saints masculins:
St. Cécile de Rome
Saint François d’Assise (1181-1226) qui, debout en prières, reçoit les stigmates du Christ dans les mains et les pieds. Ce « miracle » est la marque d’un amour privilégié de Dieu . Si Saint François, (fort admiré des Béguines) fut le premier homme à les recevoir ; c’est Sainte Catherine de Sienne (1347-1380) qui sera la première femme.
Est-ce Sainte Claire, compagne de François, ou une béguine donatrice qui est représentée ici ? Le costume (des Clarisses ?) et surtout les pieds nus me donnent à penser qu’il s’agit de Sainte Claire… ? Le monastère ( ?) du paysage pourrait rappeler la fondation de cette double communauté : Franciscains et Clarisses.
Saint Hubert (mort en 727) est représenté lors de sa conversion. L’apparition du cerf portant le crucifix entre les cors  a interrompu la chasse…Saint Hubert se retrouve d’ailleurs sur le panneau voisin : il est devenu l’évêque de Liège à la suite de Saint Lambert martyrisé.
Beaucoup plus étrange en ces lieux est le panneau du « jeune homme et la mort »…
Le jeune noble, richement vêtu, n’aura pas le temps de tirer son épée (comme dans d’autres représentations de l’époque)…la lance le la mort est pointée sur son cœur…ni sa fortune, ni son jeune âge ne l’épargneront…
Il est possible que l’artiste se soit inspiré ici d’une image pieuse qui illustrait ce thème particulièrement fréquent au 15ième s.
En ce qui concerne les saints et saintes de panneaux plus tardifs et parfois moins « élaborés », retenons
Saint Rombaut
évangélisateur irlandais, devenu évêque de Malines, est représenté dans ce panneau (daté de 1589) avec, à ses pieds, son bourreau …anéanti ! Devant les reproches de sa vie dissolue , l’agriculteur aurait frappé de sa bêche… tuant le saint !…la fresque est délicieusement naïve : la bêche aurait dû sortir du cadre, elle est donc brisée, et les jambes de l’homme ont une position bizarre !
St.Rombaut de Malines

Par contre le panneau de 3 saintes fort honorées des Béguines retient l’attention :
Saintes Catherine d’Alexandrie, Catherine de Sienne et Agnès de Montepulciano.
Au milieu, Catherine de Sienne, grande abbesse dominicaine ( 1347 – 1380) est connue pour ses visions dans lesquelles notamment elle porte la couronne du Christ, reçoit les stigmates, et même échange son cœur avec celui de l’enfant Jésus …ce que l’on retrouve ici.
A sa droite, Agnès de Montepulciano.(1277-1371) également abbesse dominicaine a fondé l’abbaye de Montepulciano…elle aussi avait des visions et , dans ses rêves, une relation particulière avec l’enfant Jésus.

A sa gauche , Catherine d’Alexandrie dont  la « biographie » apparaissant au 10ième s.(Monologue de Basile) a été largement répandue par « la Légende dorée » … !
Chrétienne très instruite, elle aurait converti à ses idées 50 juges mais aurait été torturée pour cela : rouée, transpercée de couteaux…Quand un ange aurait brisé la roue, l’empereur Maxence , fatigué de sa résistance ( !) aurait donné l’ordre de la décapiter ! La roue (brisée) est à ses pieds aux côtés de la Béguine donatrice.

Terminons les « saints » par Quirinus de Malmédy
dont nous remarquerons qu’il porte une sorte de « bol » en main…en fait, il s’agit de son crane scié, objet de son supplice ! A ses pieds, un curieux et fort  « humoristique » démon ou …dragon ( ?!?) symboliserait le mal vaincu par ce pieux évêque ( 4ième s. ?)
St. Quirinus de Malmédy
Il y a encore plusieurs fresques notamment de la vie de Jésus  ainsi que la représentation des « Sept œuvres de Miséricorde »,
( « Nourrir l'affamé, abreuver l'assoiffé, accueillir l'étranger, vêtir les miséreux, soigner les malades, et visiter les prisonniers » et enfin « ensevelir les morts »qui a été ajouté par l'Église vers le 13ième s.)
7 oeuves de Miséricorde
toutes les stations du Rosaire de Marie
mais elles semblent plus tardives et plus remaniées tout en étant intéressantes par le fait qu’elles témoignent des pratiques de pitié et de charité des Béguines au long des siècles.
Rosaire de Marie
Quant aux Orgues (1644 -1646), fierté des restaurateurs, elles sont remarquables : ce sont les seules et les plus anciennes orgues de Pays-Bas du Sud à être à la fois complètes et en état de fonctionnement ; elles semblent « modestes » mais, même s’il serait impossible d’y jouer les œuvres de Bach, elles permettent d’organiser des concerts de musiques anciennes et sont donc très demandées pour ce style antérieur au 17ièmes….
De 1241 à 1798 , année où elles furent chassées du Béguinage, les Béguines de Saint-Trond n’ont cessé d’embellir « leur » église…il faudra attendre les premières découvertes de 1860 pour lancer sa deuxième vie…
Après cette passionnante visite à la fois dans l’architecture, l’art mystique, l’histoire, les légendes de ce beau Patrimoine de nos régions…notre groupe s’est joyeusement retrouvé à la Brasserie du  Béguinage pour un sympathique verre de l’amitié…
Colette.DETRY
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