Promenade en forêt de Soignes « Lieux et restes historiques des 2 guerres mondiales » |
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Le départ a lieu au Musée de la forêt à Groenendaal (Hoeilaart). Après avoir traversé le Ring de Bruxelles par le pont de Groenendaal, nous aboutissons dans une parcelle de la forêt limitée au nord par la gare de Groenendaal, au sud par la chaussée de La Hulpe, à l’ouest par le Ring et à l’est par l’actuelle « VANDAMME straat ». C’est dans cette partie de la forêt de Soignes qu’ont « séjourné » quelque 615 prisonniers de guerre allemands pendant toute l’année 1919. L’aire de la dite-parcelle était sans doute un peu plus vaste, car depuis cette époque, le chemin de fer est passé de 2 à 4 voies et la chaussée de La Hulpe s’est considérablement élargie. Pourquoi ?
Un immense stock de diverses munitions devait être démantelé après l’armistice du 11 Novembre 1918. Les autorités belges ont décrété que ce stock devait être démantelé dans un endroit sécurisé et de préférence loin des habitations. L’hippodrome de Groenendaal fut choisi pour sa situation à la fois en pleine forêt et loin des villages environnants. En outre la superficie (50 ha) de l’hippodrome s’y prêtait. A partir du 1 janvier 1919 cinq compagnies belges (jusqu’à présent non encore identifiées) furent engagées, ainsi que 615 prisonniers allemands. Alors que les compagnies belges retournaient chaque soir dans leur caserne, les prisonniers allemands logeaient sous tente dans la forêt. Des munitions provenant de toutes les régions, mais surtout du front de l’Yser, furent amenées à la gare de Groenendael. De là, les munitions étaient chargées sur la voie du train que Léopold II avait fait construire pour se déplacer facilement vers l’hippodrome de Groenendaal. Il existait donc une voie qui reliait la gare de Groenendaal à la gare « Hippodrome », situé à l’est de l’hippodrome (actuellement à l’est du Ring).
Ancienne carte DE ROUCK où on remarque la voie du chemin de fer, dit de Léopold II, venant du « pont de Groenendaal « et aboutissant à la gare HIPPODROME (voir pointe du crayon)
N’oublions pas qu’en 1919, le « Ring » n’ était qu’un chemin, plutôt étroit, reliant les 4 Bras de Tervuren à Waterloo.
Le pont de Groenendaal pendant la 1ière guerre mondiale
Certaines archives de la Défense Nationale furent récemment restituées par les autorités russes. David Scheys, membre du Cercle d’Histoire locale de Hoeilaart, a pu lire dans un rapport officiel(1), que les prisonniers allemands couchaient dans des grandes et petites tentes de campagne ; dans les grandes tentes logeaient quelque 45 personnes, alors que dans les petites logeaient une dizaine de personnes. Les tentes étaient mises en carré et entourées de barbelés. L’horaire des travaux était bien établi : de 8h à 11 1/2h et de 14h à 16.30h l’après-midi. Les prisonniers pouvaient envoyer de la correspondance à leurs familles et en recevoir d’elles.
(1) Rapport des Délégués des Légations Royales d’Espagne et des Pays Bas, de la Visite faite le 27 mai 1919 au camp des prisonniersLe 6 mai 1919, un incendie éclata dans la gare de Groenendaal. Il ne put être éteint à temps et s’est ainsi que le feu se propagea jusqu’à l’hippodrome. Des déflagrations rasèrent les tribunes, la loge Royale et les autres bâtiments, mais firent également éclater de nombreuses vitres dans les serres et les maisons de Hoeilaart ; des dégâts furent également constatés à Watermael-Boitsfort et dans les environs. Ce n’est enfin qu’à 15h que l’on put maitriser le feu. Est-ce qu’il y eut des morts ? Dans une première phase, la Défense Nationale est restée muette. Ce n’est que bien des années plus tard que la Défense a admis qu’il y avait eu 42 morts et de nombreux blessés parmi les militaires et les prisonniers. Le lendemain du 6 mai 1919, pour des raisons évidentes, la discipline dans le camp des prisonniers fut rendue plus stricte. Ainsi l’horaire de travail fut modifié : on travaillerait de 4 h du matin jusque 10h ; l’après-midi serait consacré aux besoins d’entretien du camp. Cela n’a pas empêché une 2ième déflagration en Novembre 1919, où, à nouveau, on a déploré des victimes (2)et d’énormes dégâts dans les environs. Le camp fut levé début 1920. Dans cette parcelle de la forêt, où les prisonniers ont « séjourné », nulle trace matérielle n’est visible, sinon que le sol est jonché de trous et de tranchées qui font question, car les services compétents n’y ont jamais effectué de fouilles.
(2)Cette fois-ci, les victimes étant des civils, l’administration communale a bien dû enregistrer leur décès.
Groenendaal, après l’explosion du 6 mai 1919
Groenendaal, la gare HIPPODROME, en réparation après l’explosion
Dommage que certains hêtres centenaires ne peuvent parler…
Notre promenade ne se termine pas ici. Nous nous dirigeons vers l’ancienne gare Hippodrome, qui est devenue un énorme parking longeant le Ring, mais fermé et non utilisé. Nous entrons par le chemin, appelé « Kruistochtendreef »…..dans une zone où de nombreuses munitions diverses ont été stockées. Cette zone circulaire d’un rayon de quelque 500 m constituait un des différents dépôts, surtout de munitions, que l’occupant allemand a établis et entretenus pendant la 2ième guerre mondiale. En effet, après la capitulation de la Belgique, le 28 mai 1940, l’Etat-major allemand a cherché un endroit dans la forêt de Soignes, tout près du chemin de fer reliant Namur et Bruxelles, ainsi que des lignes de tram vers Hoeilaart, vers Rhode –St-Genèse et vers Waterloo via Bruxelles. Le dépôt de munitions s’étendait dans la forêt sur une zone d’1 km de large, autour de la route vers Mont-Saint-Jean, depuis les Quatre-Bras de Tervuren jusqu’à Waterloo. La zone fut divisée en sept dépôts disséminés dans la forêt. Ces dépôts étaient séparés par des tranchées défensives et des tranchées d’évacuation. Les munitions, ainsi que du matériel de guerre, étaient stockés dans des baraques en bois. La gare de Groenendaal constituait une plaque tournante pour le ravitaillement en armes du front allemand. Outre des munitions, du sable et du gravier transitaient également par la gare de Groenendaal, pour servir à la construction du mur de l’Atlantique. (3)
Grâce à des documents d’archives, il nous est possible de retrouver certains sites dans cette partie de forêt dans laquelle nous nous promenons, grâce au fait qu’elle est moins fréquentée que le reste de la forêt de Soignes, sans doute à cause du bruit nocif et continu du trafic sur le Ring.
(3) Les informations proviennent principalement de « Oorlog in Zoniën » par David Scheys-Zoniën 2011-3David Scheys ,« Militaire aanwezigheid in het Zoniënwoud tijdens de 20ste eeuw », paru dans « Zoniën 2011- N° 3 »
C’est ainsi que nous découvrons un poste de tir, dans une tranchée encore bien profonde, qui avait pour but de couvrir le dépôt d’une attaque ennemie éventuelle par l’actuelle route de Mont-Saint-Jean (Ring). On le voit, marqué avec un grand « F » sur la carte ci-dessus, et en réalité sur la photo ci-dessous. Souvenons-nous que les Allemands ont « séjourné » ici pendant 4 ans jusque Novembre 1944. Il est remarquable que ce poste de tir est tellement bien sauvegardé. Sur la carte nous remarquons également que ce dépôt-ci est entouré de fils barbelés.
Photo prise par Marc LAMBERTY lors de la promenade MERAPlus loin, des supports en béton indiquent les emplacements des baraques à munitions. Il est curieux de constater que ces baraques étaient disposées toujours de la même façon. Entre chaque support de béton, il y a exactement 5 m. Les baraques d’une hauteur de 3 m étaient dissimulées sous les hêtres.
Nous sortons de ce dépôt par le chemin qui aboutit sur le parking, où était située la gare Hippodrome.
Nous traversons le Ring…bien sûr par le tunnel, et aboutissons sur l’immense aire de l’ancien hippodrome, où sans doute le sol est encore « imbibé » de munitions.Il nous reste néanmoins à continuer notre promenade vers le musée de la forêt. Nous traversons alors ce qui a été un des plus grands prieurés de la forêt de Soignes. Mais ce n’est pas le moment d’évoquer Jan Van Ruusbroec ou Charles Quint, car cela fait partie d’une autre promenade à thème !
Nous remarquons néanmoins encore, dans l’Arboretum, des gros soubassements en béton. Ils servaient à soutenir des tours de quelque 50 m de hauteur. Ces tours datent du début de la 2ième guerre mondiale et ont été construites par l’occupant. Dernièrement, notre ami David a pu découvrir, toujours dans les archives, qu’elles servaient à détecter des communications des réseaux de résistance.
Dans la forêt de Soignes, il y a encore d’autres endroits empreints d’histoire… l’on peut encore retrouver certaines vestiges de cet énorme ensemble de dépôts allemands datant de la 2ième guerre mondiale. Mais cela aussi fait partie d’une autre promenade-découverte !
Ronny Mattelaer, ce 17 décembre 2014
en remerciant David Scheys de pouvoir retirer des informations et des photos, qui sont publiées dans son ouvrage « Militaire aanwezigheid in het Zoniënwoud tijdens de 20ste eeuw », paru dans « Zoniën 2011- N° 3 »
mise à jour 28/10/16