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a.s.b.l. M.E.R.A
28.10.2016
 

C’est tout d’abord sur  le site des « Reliques et arts précieux en pays mosan » œuvre de Philippe Georges (Liège, 2002) que nous avons  trouvé, dans une gravure de Adriaan Collaert, une nouvelle représentation de « Beaufort » (?) surplombant sa « roche trouée » …
Ayant pris contact avec M. Georges, nous avons pu obtenir une très bonne « reproduction » de la gravure
Juette de Huy

detail chateau

On peut dès lors se pencher sur les personnages  et…sur le décor !
Beaufort fait, bien sûr, simplement partie de ce décor … le sujet principal est Juette (ou Yvette) de Huy,(1158-1228) pieuse veuve -ermite en fin de vie- qui  s’installa près de la léproserie de Statte pour s’occuper des malades lépreux et mener une existence de prière, d’austérité et de charité…elle appartenait à ce courant de femmes-libres des débuts du 13ième s. comme les béguines mais elle ne faisait pas partie d’une communauté.
La gravure montre un paysage fantaisiste avec un fleuve, au confluent d’un torrent (Solières)?
Sur une petite avancée de la rive, un homme se déplace à l’aide d’une béquille, un autre assis à terre, tient lui aussi un bâton ; une femme (autre représentation de Juette ?) distribue des pains tout en soignant la jambe d’un miséreux , une écuelle est à terre
… sont-ce les lépreux que Juette est venue soigner ? 

Sur le chemin,  une femme portant un enfant  semble s’enfuir tout en acceptant le pain de la « bienfaitrice »
Dans le coin gauche, une masure en bois abrite  Juette en prière…
Quant au décor, il est plein d’enseignements mais a-t- il quelques liens avec la réalité ?
Rappelons qu’à cette époque, aucun peintre ne pouvait travailler en extérieur ; tous se basaient donc sur des croquis d’artistes comme ceux d’Hans Vredeman de Vries qui vécut avec les frères Van Valckenborg dans cette partie de la région mosane.La gravure, dans son décor, reprend-elle  donc une image antérieure(reprise dans les « réserves de décors) ou est-elle contemporaine ou postérieure à 1228 (mort de Juette) ?
Le plus énigmatique pour nous  est la représentation d’un château-église dans le paysage en retrait car nous y avons retrouvé la fameuse « roche trouée »

indicateur

et une configuration du relief sensiblement similaire à celle des tableaux présentant le rocher de Beaufort …
Lors du croquis esquissé par un peintre de l’époque, Beaufort était-il déjà principalement une place forte ?…détenait-il encore partiellement les bâtiments  d’hospitalité et l’oratoire des religieux ? … il ne devient bâtiment de guerre que fin 12ième s. (1187-1197 : date présumée du « donjon » suivant les études de l’ULG et M. Stiennon) ou … ?
L’auteur d’un sujet essentiellement  pieux (Juette de Huy) a-t-il volontairement « transformé »  l’édifice en « église » alors qu’il lui garde par ailleurs ses systèmes de défense (chemin d’accès, tourelles de défense…) ?
Qui est le peintre « M. de Vos » qui  a « inventé » le sujet («M. de Vos  invent » note latine dans le coin inférieur gauche de la gravure) ?
Martin de Vos est né à Anvers en 1532, il y décédera le 4 septembre 1603. Il fut le meilleur élève de Frans Floris qui l’encouragea à visiter l’Italie.
Il y devint l’élève du Tintoret. De retour à Anvers en 1558 il se retrouve « franc maître » à la gilde de St Luc dont il deviendra le doyen. En 1572, il fonde la « confrérie des Romanistes » qui groupait les artistes ayant visité l’Italie. Après la mort de Floris il devient un des peintres les plus recherchés d’Anvers, il compose de nombreux tableaux monumentaux. On le reconnait comme précurseur de la grande époque baroque anversoise. Les dessins de Martin de Vos étaient très appréciés à Anvers et souvent utilisés par les graveurs . Il a produit des albums de dessins sur les thèmes de l’Ecriture Sainte, des Pères de l’Eglise et de différents saints locaux. On sait par ailleurs que Floris , son maître, s’est influencé des croquis de Hans Vredeman de Vries que nous connaissons déjà bien par ses séjours mosans avec les frères Van Valckenborch !

Et qui est Adriaan Collaert ?

Dans  l‘important atelier du graveur anversois Philip Galle (dont il avait épousé la fille : Justa Galle), Adriaan Collaert (1560-1618) a exécuté des gravures à partir de peintures des grands artistes de cette riche époque des dits « Primitifs flamands » notamment de Breughel et… de Hans Bol … mais aussi des gravures à caractère religieux …
L’œuvre (peinture ? dessin ?de M.de Vos ) à l’origine de cette représentation d’une sainte femme de la région  a-t-elle été conçue à l’époque de
A. Collaert ou est-elle antérieure ?  très  antérieure ?!? 

Quand le « culte » rendu à Juette a-t-il pris naissance ?
 Y a-t-il des représentations des paysages de la région avant le 13ième s. ?... la « roche trouée » était-elle à ce point remarquable qu’on l’ait privilégiée dans l’iconographie ?
Une fois de plus…Beaufort pose plus de questions qu’il n’apporte de réponse … 
C.DETRYretour